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Interview : « Rien ne remplace l’écoute et le conseil d’un commercial »

INTERVIEW

Vincent Salimon, Président du Directoire de BMW Group France

Pour une industrie plus responsable, pour une mobilité plus durable, pour une entreprise plus respectueuse de ses collaborateurs, BMW s’engage. Rencontre avec le président de sa filiale tricolore, qui est aussi un fervent défenseur de la fonction commerciale.

La crise énergétique et des matières premières que nous traversons impacte toutes les organisations. Quelles réponses BMW Group apporte-t-il à ces défis ?

Grandes entreprises, PME, TPE, artisans, commerçants, grand public… Nous sommes tous impactés par cette crise. Notre réaction se résume en un mot : « modération ». C’est un fait, l’industrie automobile est gourmande en énergie. A titre d’exemple, notre groupe et ses 32 usines européennes affichent une consommation annuelle électrique d’environ 3 500 GWh par an (soit plus de 3 fois la consommation annuelle de la ville de Nice, NDLR). Nous bénéficions cependant de contrats pluriannuels qui nous permettent d’amortir le choc à court terme, tandis que nous mettons tout en œuvre sur le moyen terme pour économiser l’énergie et pour organiser la transition vers l’hydrogène.

 

BMW Group a toujours été pionnier, dans le secteur automobile, en matière de mobilité durable. Qu’est-ce qui explique cette prise en compte précoce des préoccupations environnementales ?

 BMW Group est détenu à 50% par une famille (la famille Quandt, NDLR). Cela nous apporte une stabilité capitalistique qui nous permet de nous extraire de visées court-termistes et de nous consacrer à des projets que nous choisissons de façon vraiment indépendante. En l’occurrence, nous avons fait de la mobilité responsable et durable une priorité depuis 1973, avec la création de la première direction du développement durable chez un constructeur automobile.

 

Comment se traduit, concrètement, cette priorité ?

Depuis 19732, nous n’avons cessé d’investir en R&D pour mettre au point des véhicules respectueux de l’environnement. Nous ne nous contentons pas de travailler sur la baisse des émissions de CO2 au pot d’échappement, mais nous nous efforçons d’analyser la totalité de la chaîne de valeur, de la production au recyclage du produit. Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux : réduire de 40% nos émissions CO2 entre 2019 et 2030. Nous avons entraîné nos fournisseurs dans ce projet : nous leur demandons de réduire de 20% leur empreinte carbone et nous mesurons leurs efforts afin de nous assurer qu’ils respectent cet engagement.

 

Pouvez-vous nous donner quelques exemples tangibles d’initiatives servant cet objectif ?

Nous travaillons, par exemple, sur la réduction de l’empreinte carbone des cellules de nos batteries (c’est-à-dire des « piles » que contiennent les batteries des véhicules électriques, NDLR). Pour ce faire, nous avons signé, en 2020, un contrat avec l’entreprise suédoise Northvolt : dès 2024, ces cellules de batteries seront entièrement produites à l’énergie hydroélectrique. Nous avons pour ambition de réduire de 80% les émissions de de CO2 de nos 32 usines, dont les sources d’énergie externes sont aujourd’hui d’origine renouvelable. Enfin, nous travaillons nous aussi sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre au pot d’échappement. En 2030, la moitié des ventes de BMW Group seront 100% électriques.

 

La voiture électrique est-elle réellement vertueuse pour notre Planète ?

Si l’électricité est produite par une centrale à charbon, le véhicule électrique n’est plus responsable. En France, plus des deux-tiers de notre électricité provient de centrales nucléaires, ce qui rend nos véhicules électriques plus vertueux qu’en Allemagne, par exemple. De plus, pour bien analyser l’impact carbone d’un véhicule, il faut regarder la totalité de l’écosystème. Réduire l’empreinte carbone de l’automobile implique de travailler sur l’amont de la chaîne de valeur – la production. Nous nous efforçons de diminuer l’utilisation des matières pour ne pas épuiser les ressources naturelles : 30% des matériaux de nos voitures sont recyclés. Nous avons mis au point des technologies nous permettant de proposer des moteurs électriques sans terres rares. Enfin, 50 % de l’aluminium et 30 % du nickel de nos batteries proviennent du recyclage.

Notre credo est celui de l’économie circulaire. A Munich, en septembre 2021, nous avons présenté un concept car 100 % recyclé et recyclable : la BMW i Vision Circular.

 

Qu’en est-il du recyclage des batteries, que beaucoup pointent du doigt comme étant l’un des points noirs de l’automobile électrique ?

C’est un point essentiel et nous avons déjà fait d’immenses progrès. Dans notre usine de Leipzig, en Allemagne, nous avons installé un parc d’éoliennes produisant de l’électricité et une ferme de batteries dans laquelle nous stockons les batteries usagées de nos véhicules. Ces batteries usagées sont capables de stocker le surplus d’énergie produit par les éoliennes. C’est cette énergie que nous utilisons lorsque le vent manque et que nos éoliennes ne suffisent plus à nous approvisionner en électricité.

Par ailleurs, nous travaillons sur le cycle de vie de nos batteries. Nous avons fait en sorte qu’elles puissent être réparées, localement, en concession, en changeant simplement un ou plusieurs modules sans changer toute la batterie.
Enfin, alors que la réglementation européenne nous oblige à recycler au moins 50% des composants des batteries, nous allons beaucoup plus loin en recyclant 96 % des composants (nickel, cobalt) de nos batteries. Nous travaillons, pour ce faire, avec une start-up allemande reconnue pour son savoir-faire dans ce domaine, la société Duesenfeld.

 

Mais au fond, la véritable mobilité durable consiste à promouvoir le covoiturage ou les transports en commun, et même à se déplacer à pied ou à vélo… Ce sont des sujets auxquels vous réfléchissez ?

Bien sûr ! Nous nous efforçons de promouvoir des moyens de transport alternatifs… Il faut savoir, par exemple, que BMW France a vendu, en 2021, plus de 1 000 vélos à assistance électrique ainsi que des trottinettes électriques ! C’est, certes, symbolique en termes de volume mais cela témoigne de la sincérité de notre engagement.
Toutefois, nous savons bien que le véhicule individuel reste nécessaire à la vie de nos contemporains. 60% de nos ventes sont faites dans les territoires, à la campagne, dans des zones où les transports en commun sont insuffisants et où les gens ne peuvent pas se passer de la voiture individuelle.

 

Comment voyez-vous évoluer le comportement des consommateurs ? Dans un contexte de crise du pouvoir d’achat, les enjeux environnementaux sont-ils toujours leur priorité ?

La préoccupation environnementale de nos clients reste forte et nous nous efforçons de l’attiser. Par exemple, s’ils ont un véhicule hybride, nous faisons tout pour qu’ils les rechargent aussi souvent que possible et les fassent donc rouler le plus possible sans émission de CO2. Pour ce faire, nous avons développé un programme d’incentive (« BMW Points ») qui récompense les automobilistes qui roulent le plus en électrique : nous leur décernons des points qui leur permettent de recharger gratuitement leur batterie sur les bornes publiques. (Cf. : notre application BMW Charging). Et cette écologie incitative fonctionne, nous avons pu mesurer une nette augmentation des recharges depuis la mise en place de ce programme.

Bien sûr, la question des infrastructures est déterminante… On compte 62 000 bornes  de recharges en France en 2022 (50 % de plus qu’en 2021), ce qui est nettement insuffisant pour un parc d’1 million de véhicules électriques. Nous avons d’ailleurs pris une participation dans la société Ionity, l’un des premiers opérateurs européens de bornes de recharge rapide.

 

Et demain ? Comment imaginez-vous le véhicule durable du futur ?

Nous travaillons sur des solutions innovantes à deux et quatre roues. Des véhicules plus polyvalents, capables de circuler en tous lieux. Notre concept BMW Motorrad Vision Amby est représentatif de cette tendance : c’est un véhicule électrique mi-moto, mi-vélo, qui peut rouler à 60 km/h sur une route départementale, à 45 km/h en ville et même à 25 km/h sur une piste cyclable, où il est alors considéré comme un vélo. Ce sont des produits qui, dans tous les sens du terme, s’adaptent à leur environnement…

 

Comment vivez-vous la pénurie de main d’œuvre actuelle et surtout, comment y faites-vous face ?

Au niveau industriel, la pénurie de main d’œuvre est somme toute limitée chez BMW Group car nous investissons beaucoup sur la formation, qui nous permet d’accompagner la transition du thermique vers l’électrique mais aussi de fidéliser nos talents pour éviter de les perdre.
Au niveau tertiaire (équipes de vente, marketing, commerciales, satisfaction client…), nous travaillons sur l’attractivité. Le siège social de BMW France se situe à Saint-Quentin-en-Yvelines, à une trentaine de kilomètres du centre de Paris, ce qui peut être un frein pour certains candidats, notamment les plus jeunes et citadins d’entre eux. Alors, nous avons une approche RH disruptive… Qui nous a valu de terminer à la deuxième place du classement  Capital des 500 meilleurs employeurs de France (de plus de 500 salariés), tous secteurs confondus.

 

Comment se traduit cette politique de ressources humaines ?

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour favoriser le bien-être de nos salariés. Dès 2017, bien avant la crise Covid donc, nous avons signé un accord de télétravail qui leur permet de travailler douze jours par mois à domicile, dont six jours consécutifs. Tout cela en maintenant l’esprit d’équipe et le contact puisque chaque collaborateur est tenu de rencontrer sa hiérarchie tous les quinze jours.

 

Quel constat dressez-vous s’agissant de la pénurie de talents commerciaux ?

 C’est un fait, nous manquons de vendeurs et de commerciaux de talent… Ce sont des fonctions clés, le digital ne suffit pas. Le contact humain et la proximité sont d’autant plus importants que le client a opéré une partie du chemin par le biais d’Internet. Signe de cette importance que nous accordons aux équipes commerciales : nous formons nous-mêmes les équipes de vente de nos 150 concessions et n’incitons jamais nos concessionnaires à réduire leurs effectifs commerciaux, bien au contraire. Nous demandons à nos concessionnaires de consacrer toujours plus de temps au conseil client, même si le consommateur a configuré son véhicule en ligne, car il a pu faire des erreurs d’appréciation que seul un commercial attentif et à l’écoute peut corriger.

 

Les jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail ont des attentes bien différentes de celles de leurs aînés… Selon vous, quel type d’entreprise attire les jeunes générations ?

Les mentalités, les codes, les attentes ont changé : ces jeunes-là accordent une priorité à l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle et nous invitent, nous, dirigeants, à leur proposer une vision, des perspectives, à nous engager sur des valeurs. Ils réclament une société plus juste, plus respectueuse de la personne humaine et de la Planète et défendent des valeurs comme la parité, l’inclusion, la supériorité des personnalités sur toute sorte de diplôme.

 

Vous avez un fait partie de l’Equipe de France de Natation (cf votre bio). Avec le recul, qu’est-ce que le sport de haut niveau a apporté à votre carrière professionnelle ? 

Avec le recul, la natation m’a apporté une forte résilience et un vrai sens du travail. Lorsque j’étais nageur, j’avais un entraînement quotidien le matin, de 6 à 8 heures… Se lever chaque matin à l’aube puis sortir en pleine nuit, à Mulhouse, où il pouvait faire moins 10 degrés l’hiver, c’est un effort qui vous forge le caractère et vous enseigne le sens de l’effort.Et paradoxalement, cela développe aussi l’esprit d’équipe : quand on n’a pas envie d’aller dans le bassin, c’est le fait d’être porté par une équipe soudée et solidaire qui nous donne la force de le faire quand même… Quand on se sent seul, au fond, c’est vers l’équipe qu’il faut se tourner pour retrouver sa motivation.

 

Propos recueillis par Stéphanie Moge-Masson

Publié le 9 février 2022