Interview : « Les managers de proximités sont la clé de voûte de l’organisation »
INTERVIEW
Eric Mellet, Consultant, coach, auteur de « L’organisation positive, 10 clés pour une entreprise performante »
Alliant les enseignements de la psychologie et des outils pratiques pour passer à l’action, Eric Mellet nous présente le fruit de son travail sur l’organisation positive.
Vous venez de publier un ouvrage sur l’organisation positive. Pourquoi ce livre ?
Depuis 7 ans, j’accompagne les transformations organisationnelles et individuelles en m’efforçant d’allier la recherche de performance avec celle du sens et de l’épanouissement. On a cru pendant longtemps que le « bien-être » était la conséquence du succès ; on sait aujourd’hui qu’à l’inverse, c’est parce que l’on est « bien dans sa peau » que la performance est au rendez-vous. Alors, quelles conditions et quels comportements peuvent assurer le succès des organisations dans le respect des individus ? Cette question est le point de départ de mon ouvrage.
Quelle est votre vision de l’organisation aujourd’hui ?
L’organisation est souvent dépeinte comme un lieu de souffrance. C’est d’autant plus dommageable que nous passons “au travail” une grande partie de notre temps. Or, celle-ci peut aussi être le théâtre d’émotions positives… C’est cette « face éclairée » de l’entreprise que j’ai voulu mettre en avant. La responsabilité de chaque entreprise est engagée, quelle que soit sa taille. Or, ce sont les équipes qui choisissent d’emprunter des chemins plus ou moins vertueux…
Votre ouvrage dépeint l’organisation positive comme un idéal. Elle est donc inaccessible ?
L’idéal serait un état permanent : cela me semble illusoire. J’envisage plutôt l’organisation positive comme un organisme vivant. Du point de vue juridique, on parle d’ailleurs d’une « personne morale» qui naît, vit et meurt. Ainsi, comme être vivant,
l’organisation s’adapte et exprime son potentiel de développement. Plus qu’un état, c’est donc un processus dynamique qui repose sur quatre axes. La santé économique : celle de l’entreprise, bien sûr, mais aussi de ceux qui de près ou de loin concourent à sa croissance, la santé de son « environnement »; La capacité à réaliser son potentiel de développement et à répondre à sa « raison
d’être » ; ce qui nourrit sa « création de valeur »; La résilience : la capacité à surmonter les épreuves et en sortir plus forte; La capacité à répondre aux aspirations et aux besoins d’épanouissement de celles et ceux qui entrent en relation avec elle (collaborateurs, clients, prestataires, actionnaires…).
Comment l’organisation peut-elle prendre soin des collaborateurs ?
Quand 70% des Français se déclarent désengagés au travail, la priorité des dirigeants doit être de créer un environnement favorable à l’épanouissement des personnes qui travaillent au sein de l’organisation. Et il ne s’agit pas d’installer un babyfoot ! Il faut traiter ce qui est la cause majeure du stress et des risques psychosociaux : l’organisation du travail.
Qu’en est-il pour les managers de proximité ?
Les managers de proximité ont un rôle essentiel car ce sont eux qui font le lien entre la « vision » de la direction et la « réalité » du terrain. Ils ont un devoir d’exemplarité à beaucoup de points de vue : état d’esprit, curiosité, confiance qu’ils inspirent, capacité à se remettre en question… Ils peuvent « donner de l’énergie » ou en « pomper»! Aujourd’hui, on leur en demande effectivement beaucoup et notamment de donner du sens à leur collaborateurs. Mais comment faire lorsqu’eux- mêmes n’en trouvent pas ? Le manager de proximité, sur lequel on fait reposer de grandes stratégies de changement, ne peut rien si lui même n’est pas inspiré par son N+1.
Quelle est la place de la performance commerciale dans une organisation positive ?
Durant ma carrière, j’ai occupé de nombreux postes proches de la fonction commerciale et j’ai constaté que la performance commerciale est directement liée à l’état d’esprit des commerciaux. Dans un environnement FANI (Fragile-Anxiogène-Non- Linéaire-Incompréhensible), le commercial doit rassurer son client, comprendre ses difficultés et donner du sens à son acte d’achat. Mais comment est-ce possible quand on est démoralisé ? Lorsque j’étais commercial, il y avait « des jours avec » et « des jours sans ». Mes résultats dépendaient de mon état d’esprit, de ma capacité, par exemple, à accueillir et traiter les objections. C’est justement dans ces « jours sans » que le manager commercial joue un rôle clé : il doit trouver les mots pour que son coéquipier retrouve l’énergie, le plaisir et ainsi la spirale vertueuse du succès.