Interview «Nous sommes devenus entreprise à mission avant l’heure»
INTERVIEW
Loïc Henaff, Pdg du Groupe Jean Hénaff SA.
«Nous sommes devenus entreprise à mission avant l’heure»
On connait tous le pâté Hénaff. Mais le groupe que vous dirigez commercialise bien d’autres produits. Qu’est-ce qui vous a conduits à vous diversifier ?
Loïc Hénaff : Il faut rappeler que c’est une conserverie de légumes qui a été créée en 1907 ! Le pâté n’est arrivé qu’en 1915… Jusqu’aux années 1970, donc, l’entreprise fabrique le fameux pâté,
les conserves de légumes et de poisson. A cette date, les activités « légumes » et « poissons » sont stoppées et l’entreprise se reconstruit sur un monoproduit. Puis, nous prenons conscience de la nécessité de nous diversifier. Nous acquérons GlobeXplore, pionnier de la transformation des algues, et Kervern, spécialiste de la charcuterie bio. Désormais, la transformation de viande ne pèse plus que 85% de notre CA et nous souhaitons continuer à nous diversifier.
100% de vos emplois sont basés en Bretagne et lorsque vous faites de la croissance externe, c’est dans votre région. Pour quelle raison ?
L’intention de notre arrière-grand-père était d’apporter un peu de prospérité à un territoire pauvre, en transformant des matières premières locales. 120 ans plus tard, c’est toujours notre priorité. 49% de nos achats sont faits en Bretagne et 89% en France. D’ailleurs, nous nous sommes dotés, en 2019, de nouveaux statuts dans lesquels nous avons défini notre mission : bien nourrir les hommes tout en contribuant au développant de notre Territoire.
Vous vous êtes dotés d’un rapport RSE en 2011… C’était très pionnier à cette époque ! Qu’est-ce qui vous y a conduits ?
Nous étions, depuis 2003, signataires du Pacte Mondial des Nations Unies, qui appelle les entre- prises à aligner leurs pratiques sur dix principes découlant des textes fondamentaux des Nations Unies. Toutefois, nous souhaitions aller plus loin et écrire noir sur blanc notre raison d’être.
En 2019, vous avez calculé votre triple empreinte. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?
La comptabilité traditionnelle mesure la performance économique mais ne prend pas en compte les aspects sociaux et environnementaux. Nous avons donc mis en place une triple comptabilité. Nous avons été la dixième entreprise française à entamer cette démarche.
Qu’a révélé cette triple comptabilité ?
Elle nous a donné une vision exacte de la valeur responsable que nous créons. Mais elle nous a réservé quelques surprises ! Par exemple, si nous créions beaucoup de valeur sociale (en 2019, 202 emplois directs, soit une valeur sociale de 14,1 millions d’euros), notre entreprise engendrait aussi un léger coût social. Nous n’avions pas du tout imaginé cela ! Cela provient d’erreurs que nous avions commises par méconnaissance du sujet… Par exemple, lorsque nous employions des intérimaires, nous nous efforcions de multiplier les contrats de courte durée. Mais nous n’avions pas réalisé que cela ouvrait des droits au chômage pour ces personnes, d’où un coût social non négligeable. Pour un quota d’heures déterminé, il est préférable d’employer moins de personnes, mais plus longtemps, via le CDI intérimaire par exemple.
La même année, vous avez également lancé un vaste projet intitulé Be Good 2030… Quelles sont les grandes ambitions de ce projet ?
Notre démarche est structurée autour de cinq priorités : protéger notre environnement breton, nous engager auprès de notre communauté, affirmer notre rôle de « poisson pilote » de l’économie bretonne, respecter le vivant et veiller à la qualité de nos produits, en termes de goût et d’équilibre nutritionnel.
Comment a démarré le projet Be Good 2030 ?
J’avoue que nous avons quelque peu patiné au début… Il faut dire que nous avons fait les choses en grand. Méthodologiquement, nous nous sommes appuyés sur les 17 objectifs de développement durable de l’ONU. Nous avons aussi sollicité une certification Iso 26000 pour garantir à nos partenaires une démarche mature et solide. En février 2022, nous avons obtenu le label « RSE Bretagne 26000 ».
Avec cinq années de recul, qu’est-ce qui vous satisfait le plus ?
Nous suivons de très nombreux indicateurs de performance, qui vont de la consommation d’énergie à l’arrêt des pratiques douloureuses pour les porcelets, de la consommation d’eau à la part d’azote dans le lisier épandu… Tout cela nous démontre que nous apportons quelque chose. C’est un puissant levier de motivation.